Pierre Moscovici et la Cour des comptes : une longue histoire d’amour néolibéral

Dans une note publiée ce mardi 14 décembre, la Cour des comptes demande rien de moins qu’une réorganisation complète de l’école. Nous espérions une réorganisation autour de la direction collégiale d’école, autour de la fin de l’individualisation des carrières ou autour d’une revalorisation massive des salaires. Hélas non car cette juridiction qui se prétend indépendante n’est rien de moins qu’un « think-thank libéral » au service du Capital.

La note reprend tous les projets de Jean-Michel Blanquer et propose 4 leviers pour refonder l’école. Le premier est le regroupement des écoles primaires avec les collèges dans des « écoles du socle ». Le deuxième est une plus grande autonomie des établissements. Le troisième entend « rénover » le métier d’enseignant. Le quatrième élargira encore plus les évaluations pour piloter les résultats.

Le regroupement dans les « écoles du socle » était déjà dans la loi Fillon de 2005 et dans l’amendement Rilhac de la loi Blanquer. Ces écoles déshumanisées seraient sous la coupe d’un manager d’établissement chargé d’un pilotage en toute autonomie et qui aurait l’entière responsabilité d’évaluer les enseignant.e.s. Sûrement au mérite !

Le think-thank préconise en encadrement pédagogique renforcé. Il s’agit ni plus ni moins d’un flicage généralisé où les managers pourront assister aux cours et prendre des « mesures concrètes » pour que les enseignant.e.s s’investissent dans « dans l’amélioration de leurs compétences pédagogiques ».

Pour la Cour des comptes, les chefs devront avoir une « marge de gestion » avec une annualisation des obligations de service. Elle suggère de « valoriser » les missions pour les professeurs les plus engagés comme si un un grand nombre de collègues n’étaient pas impliqués pour faire réussir leurs élèves. Après son rapport de 2017 et son rapport sur les non-remplacements du 2 décembre, la cour préconise d’inscrire le remplacement dans les missions des enseignant.e.s et « améliorerait » la continuité pédagogique des élèves. Comment un enseignant d’espagnol pourrait-il assurer cette continuité en remplaçant sa collègue de physique-chimie ?

En plus de proposer des solutions inapplicables, la Cour des comptes envisage de renforcer les évaluations de manière « accrue et rénovée » en les étendant notamment à d’autres disciplines. Elles auront pour objectif d’alimenter « le dialogue de gestion entre les établissements ». Pour traduire ce verbiage managérial, il s’agit de « piloter » les établissements par les résultats. D’ailleurs l’auto-évaluation des établissements, soi-disant bienveillante, est déjà à l’œuvre. La responsabilité de la réussite éducative pèsera donc sur les élèves sur les personnels, dans un cadre de pénurie budgétaire, avec toujours plus d’élèves, toujours plus de missions et de prérogatives, mais des moyens largement insuffisants.

Mais la pression à la productivité sur les personnels – pour produire de la stricte employabilité – n’est pas le seul enjeu. Tout quantifier via des « contrats d’objectifs » adossés à une évaluationnite aigüe, c’est aussi l’obsession de ceux qui veulent privatiser l’école. Car tout cela permet aussi une découpe en règle en une infinité de segments de marchés. Les entreprises-associations blanquériennes sont déjà dans les starting-blocks pour vendre des prestations. Un juteux marché si l’on en croit Blanquer lui-même qui se répand sur les plateaux télé et considère l’affaire comme un des « principaux gisements de croissance pour la France ».

Pour qui une semaine de remédiation en laïcité dans la caserne la plus proche ? 15 jours sur de la phonologie de combat ? Un stage en neurosciences avec vente de mallette d’électrodes?

Pour la CGT Educ’Action 95, il s’agit bien de prendre la note au sérieux qui propose au ministre une découpe en règle de l’Ecole publique. Proposer cette déréglementation est absolument irresponsable alors que les personnels sont épuisés par une gestion calamiteuse de la crise sanitaire. Nous appelons les personnels à se réunir et à ne pas mettre en œuvre les expérimentations d’une bureaucratie managériale nuisible éloignée des réalités du terrain.

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